Ruralité terre nouvelle

Les aplats de couleurs du Plateau

Quelles couleurs apposer sur ce Plateau vilipendé par ceux qui ne l’habitent pas ?

Le Plateau de Millevaches est en réalité débordant de vitalité. Il se visite d’abord par l’intérieur pour connaître son âme entrée en jouvence – il y a quelques années – sur une terre accueillante imbibée de la sueur des gens du terroir. De belles personnes venant des métropoles, du centre ou de leurs banlieues, se sont sentis attirées par ces espaces avec au cœur une décision de quitter ce qui épuise l’existence et des aspirations à une vie épanouissante. Le Plateau avait besoin de leur présence lui qui avait souffert de la grande saignée de la guerre 14-18 qui devait accentuer le vide ; en cela, les nouveaux venus se doivent du respect au regard de l’histoire.

Avec la jeunesse pleine de dynamisme, une grande créativité devait se faire. C’est ainsi que surgit télé-brouette devenant Télé-Millevaches , cet instrument initié par des jeunes soucieux de mettre en lumière , en rencontres de bistrot ou ailleurs, les belles initiatives tout comme les héritages de l’histoire. Télé-Millevaches naissait dans la foulée des fêtes de l‘Association des Plateaux Limousins. Cette association inspirée, porteuse d’initiatives de développement, émergea du vieux terroir avec un prêtre visionnaire qui rejoignaient trois autres acteurs majeurs de développement : Pierre Desrosiers maire de Gentioux, François Chatoux maire de Faux, Bernard Coutaud maire de Peyrelevade.

Ambiance Bois, jeune coopérative autogestionnaire prenait place dans l’histoire de la coopération en limousin. Une initiative qui, très vite, « fit image » et, par là, attirait des jeunes sur le Plateau.

De ces échanges entre ces acteurs commença à poindre le bout du nez d’un parc Régional qui devait devenir le PNR de Millevaches

Petit à petit, un formidable élan de créativité et d’inventivité se mit à parcourir la montagne limousine. Grâce aux charismes des uns et des autres, un tissu se formait, des communautés de vie devinrent tangible à Faux notamment, comme à Tarnac, Gentioux, Peyrat, Saint Moreil…, dans une grande diversité de parcours de formation ou de situations économiques à comprendre au regard de chaque histoire personnelle. A Faux, chacun se dit bonjour et si quelqu’un ne répond pas au bonjour, c’est parce qu’il n’est pas du pays !

Une attitude de bienveillance est la sève qui irrigue les relations et c’est pourquoi un bonheur de vivre et d’attention aux autres se manifeste à l’extérieur. C’est cette vie exposée qui attire et qui fait qu’on se sente bien à Faux dans une belle sécurité relationnelle.

Visiteur, commence par écouter et puis regarde !

Des paysages magnifiques objets d’attention et de vigilance, des lacs reposants. Et puis ce merveilleux foisonnement d’associations disposant d’une belle salle des fêtes bien équipée. Elles ouvrent leurs portes à ceux et celles qui veulent s’impliquer dans l’une ou l’autre. Un syndicat a été créé. C’est un lieu de recherche, de vigilance, d’initiatives en vue du Bien Commun : cette boussole qui permet de s’aventurer avec la conscience d’un vivre ensemble pour relever des défis, celui de la forêt, de l’agriculture, du logement, des transports. Ainsi ce sont des démarches qui partent d’études des situations, de leurs potentialités comme de leurs déficiences pour tenter d’y remédier. Toujours est-il que chaque citoyen peut bénéficier d’un réseau de covoiturages et du « crieur public » sur la toile. Bientôt, à Faux, les rues auront un nom et les maisons un numéro de porte !

Pourquoi, dans une certaine presse, ces regards globalisants, inquisiteurs avec des allégations blessantes, dont l’impact risque de desservir la vie locale et l’art d’y vivre respectueusement ! Sans doute, cet art de vivre ensemble et la pratique d’une intelligence collective conduit-elle à diverses attitudes sociales qui peuvent être critiques au regard de la Chose Publique. N’est-ce pas, toutefois, important de s’y intéresser et de proposer – parfois dans un dialogue âpre et rude en confrontation – des voies d’amélioration de la démocratie et du développement à partir d’expériences locales de coopération, d’entraide et de synergie dans une dynamique qui cherche à faire du lien et du bien ! Plus encore, n’est-ce pas important, en ces « temps de transition » – selon l’expression de Valérie Jousseaume –  de descendre en soi-même en vue d’explorer ce qu’il en est  de « la vie, de l’amour, de la mort » et  d’inventer des rituels qui expriment du sens spirituel en impliquant le corps !

Je sais bien que la Courtine n’est pas loin, mais le Plateau n’est pas une « base arrière » de je ne sais quelle manœuvre ! Certes, sur le Plateau existe des lieux de débats avec des personnes très diverses où les conflits ne sont pas exclus, mais où l’alignement sûr tel ou tel courant de pensée n’est pas de mise dans le respect des libertés. Et si des dérapages sont venus ou pourraient venir qui blessent des personnes, la voie du dialogue autour de la table est à privilégier. Et si des jeunes arrivants s’aventuraient, à tâtons, sur le Plateau comme sur un espace de liberté en ignorant l’histoire qui l’a façonné, les réseaux du Plateau sont suffisamment articulés et ancrés sur le terroir pour leur permettre une inculturation progressive grâce à des accompagnements en raison d’éventuelles blessures personnelles. Et si la mixité sociale avec le terroir n’est pas achevée, elle est en route, non sans quelques écueils et des malentendus fâcheux . L’auberge de la Feuillade est un espace de rencontres apportant sa contribution à cette mixité sociale, tout comme Volubilis, les rencontres de parents d’enfants à l’école, les rencontres fortuites à la pharmacie et bien d’autres lieux comme les marchés, les soirées estivales de voisinage, les fêtes de la Montagne. La marche collective du Plateau est faite d’une multitude de « petits pas » esquissés avec délicatesse et parfois avec audace ! Des hommes, des femmes sont là, sur notre territoire, des « faiseurs discrets et précieux de petits pas » ! J’en connais.

Pour parler du Plateau, il faut le connaître pour l’aimer et porter un regard de bienveillance et hospitalier afin de se réjouir et de se nourrir des petites lumières qui brillent au cœur des gens sans doute imparfaits, mais pour la plupart, en route vers le désir de faire du lien et du bien en vue du Bien Commun. Rien n’est facile dans cette grande mutation qui affecte notre société en quête d’une harmonie nouvelle ville-campagne. Mais nos campagnes, en hyper-ruralité et accueillantes, tentent d’être des « laboratoires » en vue de cette harmonie, et d’une biodiversité humaine harmonieuse, irriguée de « sens », en situation d’ouverture.

Gilles Gracineau

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